Nature duale de la monnaie

La principale fonction de la monnaie est de servir d’intermédiaire pour les transactions. Ce qui vient avant la fonction “réserve de.valeur”. Il y a même antinomie entre les deux. Car, si la monnaie est une bonne réserve de valeur, alors elle est thésaurisée et n’est plus utilisée pour les transactions. C’est la loi de Gresham “la mauvaise monnaie chasse la bonne” qui a fait qu’en Inde à l’époque coloniale, la monnaie d’argent a éliminé celle d’or Et, d’ailleurs, certains économistes ont préconisé d’inscrire dans la monnaie elle-même, un taux de dépréciation en fonction du temps pour éviter qu’elle ne soit thésaurisée. Cette fonction est une fonction de liberté de choix. Selon la formule de Tolstoï “La monnaie est de la liberté frappée.” Il existe un niveau de taux d’intérêt minimal en deçà du@cercabru quel toute la monnaie émise est absorbée. C’est ce qu’on appelle “la préférence pour la liquidité” et la “trappe à monnaie” (voir Keynes “Théorie générale”).

La fonction de préservation de la valeur, du pouvoir d’achat, vient après, mais elle a été quasi institutionnalisée par les politiques monétaires d’inspiration monétariste, l’exemple le plus frappant étant la politique de la Bundesbank, suite à la mise en place par Otmar Emminger du Neue Deutsche Mark, pour en finir avec les inflations galopantes en Allemagne. Dans les statuts de la Bundesbank, outre l’indépendance du pouvoir politique, était en effet inscrite l’obligation de préserver “la valeur INTERNE” de la monnaie. Ce qui finalement a assez bien réussi à l’Allemagne jusqu’à la mise en place de l’euro et le remplacement de cet objectif par le respect des critères dits de Maastricht.

De fait, comment est assurée la fonction de réserve de valeur (et l’on comprend que dans ce blog de Charles Gave la préoccupation patrimoniale l’emporte sur la transactionnelle) ? Par la détention de titres de la dette publique, et de valeurs refuge (or, œuvres d’art, etc) Et il est à noter que, notamment pour des raisons de réglementation, les titres de la dette publique sont en général plus liquides que les valeurs refuge. La valeur des titres de la dette publique se règle en fonction du taux d’intérêt obligataire, lui même fonction de la politique monétaire. Mais il est à noter que, régulièrement, l’Etat émet des titres de dette indexés sur une valeur refuge (le “Pinay” et l’or) ou sur l’inflation. Je crois qu’actuellement environ 30% de la dette de l’Etat français émise par l’Agence du Trésor sont indexés sur l’inflation (non disponible pour le grand public).

Frank Deljeune

Ce.qui est fondamentalement nouveau est que les titres de la dette des Etats ne sont plus principalement émis sur des marches nationaux dont l’épargne était captive, mais sur le marché mondial. Ainsi les différents Etats nationaux deviennent concurrents dans les garanties qu’ils offrent de remboursement de leur dette. Et il devient évident que les USA sont clairement dominants, voir même peuvent imposer leurs propres conditions aux autres pays, comme on l’a vu pour la levée du secret bancaire suisse. Comme on le voit pour le blocage des avoirs russes. Et il faut comprendre que les USA sont désormais un pays refuge pour les avoirs de citoyens de pays dont les régimes n’obéissent pas au schéma démocratique libéral, régimes qui peuvent donc changer du jour au lendemain.

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